Conseiller en Développement Durable et Management Responsable
Auteur :
Mustapha Taoumi
Introduction
Représentant plus de 95 % de notre
tissu industriel, employant plus de 60 % des salariés du secteur privé et étant
à l’origine de plus de 50 % des investissements privés nationaux, les Petites
et Moyennes Entreprises (PME) marocaines jouent un rôle de premier plan dans
l’économie marocaine et peuvent ainsi contribuer efficacement à stimuler la
croissance économique du pays.
Cependant, la PME au Maroc est confrontée à
un certain nombre de défis. D’un côté elle est menacée par la rentrée en
vigueur d’un certain nombres d’accords de libre échange, d’un autre, elle doit
se conformer aux nouvelles exigences dictées par la communauté internationale
et les différentes parties prenantes en matière de développement durable(DD).
Dans ce cadre, les pouvoirs
publics, en concertation avec les parties concernées, ont mis en place un
certain nombres de mesures et mécanismes à même d’aider ces entreprises à mieux
dépasser ces contraintes notamment en matière de mise à niveau. En effet, et
devant l’approche des échéanciers des différents accords de libre échange, en
particulier ceux signés avec l’UE et les Etats Unis, il a été jugé nécessaire
d’accélérer le rythme des différentes réformes entreprises au niveau du système
économique national et en particulier celles liées à la mise à niveau de la
PME.
Paradoxalement, il a été constaté
que les enjeux du développement durable ne sont pas ou peu pris en compte dans
cette stratégie qui se veut d’ailleurs globale et intégrée.
Cette situation peut porter
préjudice à l’économie marocaine et en particulier à la PME , maillon faible de notre
tissu économico-industriel. Les effets de la mondialisation et la montée en
puissance des revendications de la société civile sont autant de facteurs qui
vont agir tôt au tard sur les décideurs afin de mieux prendre en compte les
enjeux du développement durable. La Responsabilité Sociale
de l’Entreprise (RSE), l’équivalent de la Corporate Social
Responsibility (CSR) en anglais, un des piliers de la philosophie du
développement durable peut contribuer efficacement à atteindre ces objectifs.
Aujourd’hui, la mise en application
par les pouvoirs publics d’une réglementation relative à la RSE pourra s’avérer
contraignante et coûteuse pour le secteur privé en cours d’ailleurs de mise à
niveau.
Pour réussir ce challenge, les
principales parties concernées en particulier l’Etat et les entreprises
pourront prendre l’initiative et proposer dans le cadre du plan de mise à
niveau de la PME ,
la mise en place d’actions volontaristes en matière de Responsabilité Sociale
de l’Entreprise. A l’heure actuelle, quelques initiatives timides sont lancées
ici et là mais aucun programme structuré et intégré n’est à l’ordre du jour.
Il s’agit concrètement d’étudier la
faisabilité de la mise en place d’une démarche volontariste liée à la
responsabilité sociale de l’entreprise et ce dans le cadre des enjeux du
développement durable et en prenant en considération les différentes
expériences menées au profit de la
PME marocaine.
Pour arriver à notre objectif nous
avons été amené à proposer une méthodologie de recherche et d’analyse orientée
vers l’exploitation des travaux déjà réalisés sur des thématiques proches de la
notre. Cette démarche nous a été dictée pour deux principales raisons : le
manque d’informations sur la thématique de la PME et de la RSE notamment au niveau du Maroc et le manque de
moyens et de temps nécessaires pour réaliser des sondages et des enquêtes sur
le terrain.
Le travail réalisé a été scindé en
deux parties distinctes mais complémentaires :
A. La première partie a
été consacrée à l’ analyse de la situation actuelle de la PME marocaine et ce en en se
basant sur quelques données tirées de la littérature.
Dans ce cadre, nous avons analysé
d’une manière critique et ciblée, les résultats obtenus par deux programmes
phares destinés à renforcer les capacités concurrentielles et de développement
des PME. Il s’agit du programme de mise à niveau de l’entreprise et du
programme de promotion de la bonne gouvernance, programmes pour lesquels les
principaux acteurs ainsi que les partenaires stratégiques du Maroc attendent
des résultats tangibles tant les attentes et les enjeux sont importants
B. La deuxième partie a
été axée sur l’analyse de faisabilité d’une stratégie d’action destinée à
mettre en œuvre un programme de promotion encourageant et incitant les PME à
s’engager dans une politique globale de développement durable.
Sur ce plan, il a été pris en
considération d’une part, les résultats d’une analyse forces-faiblesses qui a
été abordée en fonction des spécificités du secteur et de son environnement
socio-économique, et d’autre part, les rôles qui devront être joués par les
différentes parties prenantes.
Enfin la stratégie proposée a été
présentée sous forme d’un plan d’action composé des principales activités
identifiées comme étant prioritaires. Une attention particulière a été aussi
portée sur les conditions optimales et minimales à assurer pour garantir la
réussite d’une telle entreprise
A. Analyse de la situation actuelle de la PME marocaine
Dans cette première partie de
l’étude, et après une description du tissu des PME marocaines, nous avons
essayé de dresser une sorte de bilan qualitatif des différentes réformes
engagées au profit de l’entreprise au Maroc et en particulier celles destinées
à la PME.
Sur la base des éléments analysés,
nous avons constaté que les réformes entreprises au profit des entreprises
marocaines touchent principalement la mise à niveau économique en se basant sur
les réformes structurelles entreprises au niveau de l’économie marocaine dans
son ensemble.
A cet égard nous avons identifié
deux programmes qui nous paraissent importants tant par leurs impacts attendus
que par leurs démarches. Il s’agit d’une part, du programme de mise à niveau de
l’entreprise, et d’autre part, du programme de promotion de la bonne
gouvernance d’entreprise.
Après une description détaillée de
leurs composantes, nous avons cherché à analyser les points forts de ces
programmes mais aussi les freins qui handicapent leur l’avancement. Aussi, il a
été jugé utile d’étaler d’une manière exhaustive les recommandations proposés
par les différents intervenants.
Les constats de base qui ressortent
de ces éléments d’analyse sont les suivants :
1-
Les
programmes objet de notre analyse ont montré qu’il est possible de mobiliser
les parties concernées tant publics que privés autour de problématiques qui
touchent principalement l’entreprise marocaine en particulier la PME. Ceci dénote la
présence d’une grande sensibilité et une prise de conscience majeure concernant
cette composante importante de notre économie. Les moyens mis en œuvre et la
qualité des actions entreprises confirment cette volonté et montrent qu’il est
possible de mobiliser les principales ressources pour atteindre des objectifs
qualitatifs.
2- Un
certain nombre de composantes des programmes analysés ont des similitudes tant
au niveau de la nature de l’action qu’au niveau du contenu. De même, nous avons
identifié des composantes qui font même partie des actions prévues dans le
cadre des démarches RSE. Il s’agit plus particulièrement des aspects liés à l’éthique
dans les affaires, la protection de l’environnement et le développement des
ressources humaines. Cela monte qu’il est possible de monter des programmes
intégrés touchant l’ensemble des reformes tout en pratiquant les concepts du
développement durable. Toutefois, le développement durable est un concept
global touchant l’ensemble des secteurs de l’économie, de ce fait cette
approche d’intégration horizontale des réformes devra être débattue et initiée
à un niveau plus élevé de la hiérarchie institutionnelle.
3- La
coopération internationale joue un rôle important dans ce genre de démarches à
vocation réformatrices. En effet, la mobilisation des partenaires stratégiques
en particulier les pays amis, peut s’avérer indispensable vu l’importance des
enjeux qui vont souvent au delà des frontières nationales. Dans ce cadre, nous
avons constaté que les fonds de la coopération internationale ont été destinés
à financer uniquement les composantes techniques, financières et
institutionnelles de la mise à niveau au détriment des aspects sociaux et
environnementaux (a part la création d’un centre de production propre et
l’élaboration de quelques études d’impact sur l’environnement). Ce constat montre
que les organismes de coopération pratiquent un double discours ; d’un
côté on essaye de promouvoir les concepts du DD au niveau des instances
internationales mais d’un autre on les négligent ou on les contournent quand il
s’agit d’actions de coopération bilatérales.
Cette approche un peu étroite du
partenariat risque cependant de se heurter à des problèmes majeurs dans
l’avenir vu l’accélération des tendances au niveau mondial qui militent en
faveur d’un développement durable et respectueux de notre planète et dont
l’entreprise joue un rôle de plus en plus important. Par ailleurs, les pouvoirs
publics marocains ont aussi une part de responsabilité car il serait peut être
impossible de la part des instances de coopération et des bailleurs de fonds
d’imposer certaines règles si la partie concernée juge que certaines actions ne
sont pas pour le moment indispensables ou plutôt prioritaires.
· Les
problèmes majeurs évoqués au niveau de la mise en œuvre de ces programmes
touchent en grande partie les chefs d’entreprises et leur modes de gestion et
de perception des enjeux. De ce fait, les recommandations proposées insistent
beaucoup sur les aspects liés à la sensibilisation, la formation et la
promotion des démarches et des concepts au profit des chefs d’entreprises. A
notre avis le problème majeur reste au niveau de la spécificité de la culture
de l’entreprise marocaine. Cet handicap reste malheureusement insoluble pour
bien des cas surtout quand il s’agit d’un processus de changement avec des
composantes innovatrices et transparentes.
Ce dernier point nous parait
essentiel car il serait illusoire de chercher à réussir des réformes si la
partie concernée n’est pas prête et engagée. Sur cet aspect, et dans le but de
mieux cerner les différentes facettes de cette problématique, il a été constaté
que la population des PME n’est pas homogène et peut être classée en 3
catégories : „les PME structurées qui sont tournées vers l’export ou positionnées
dans des secteurs à haute valeur ajoutée. Cette catégorie est en générale très
soucieuse de sa performance et cherche à se positionner et à se renforcer pour
rester compétitive sur les marchés étrangers. Ces PME performantes peuvent être
prises comme indicateur de bonne conduite au niveau des programmes de
promotion. „les PME/PMI à mi-chemin entre les secteurs formel et informel.
Elles représentent 30 à 45% de la population étudiée. Cette catégorie devrait
constituer la cible privilégiée de toute nouvelle démarche en l’occurrence la RSE. „la troisième catégorie
englobe les très petites entreprises (TPE). Elles sont les plus nombreuses (50%
des PME) et jouent un rôle social important. Cette catégorie qui requiert un
traitement spécifique devra aussi être prise en considération dans toute
nouvelle démarche car le développement de notre tissu économique doit être
global et homogène.
Comprendre donc les spécificités de
notre entreprise et son environnement constitue un préalable pour toute
tentative de mise en œuvre de nouvelles initiatives destinées à développer sa
performance et sa compétitivité.
B. Proposition d’une stratégie de promotion de la RSE
Au niveau de la thématique RSE, il
ne s’agit pas aujourd’hui de montrer l’utilité et les bienfaits de cette approche
mais le véritable enjeu réside au niveau de comment, quand et avec quoi on
devra procéder pour initier, promouvoir et développer cette démarche au sein
d’une communauté d’entreprises. Il s’agit aussi d’analyser cette même démarche
qui vient “d’ailleurs” pour savoir si notre cible pourra l’accepter ou non et
quelles sont les véritables entraves qui peuvent freiner une telle initiative.
Nous avons cherché ainsi à aborder
notre sujet en se basant sur les points forts et les points faibles des quatre
aspects suivants :
Ø les programmes de mise à niveau et de
sensibilisation développés au profit des PME marocaines.
Ø les caractéristiques intrinsèques des
PME et leur modes de gestion et de perception des enjeux.
Ø Les différents aspects de la RSE ainsi que les différentes
démarches mises en œuvre au niveau mondial
-
Les
rôles joués par les différentes parties prenantes.
En essayant de remplir cette
matrice, nous avons obtenu les résultats suivants :
- La RSE , concept en quête d’universalité n’est pas transposable
dans toutes les situations et doit donc être corrigé et adapté en fonction des
contextes et des situations ;
- Les programmes de développement
destinés aux entreprises quand ils sont prioritaires pour les uns et les
autres, trouvent toujours preneur et des synergies sont vite enclenchées ;
- Les parties prenantes en particulier
les pouvoirs publics et le secteur privé sont en phase d’attente mais c’est à
l’Etat avec l’aide probable de la coopération internationale de déclencher le
processus.
1. Concrètement, nous avons proposé une stratégie d’action articulée
autour :
2. d’un programme de promotion de la RSE au sein de la PME marocaine qui s’articule autour des
principaux axes suivants :
a.
Une implication d’un maximum de parties prenantes et la
mise en place d’un dialogue responsable et de qualité établi entre elles.
b.
Une décision consensuelle sur les objectifs souhaitables
et réalistes et les étapes pour les atteindre.
c.
Une dynamique de long terme basée sur un model évolutif et
dynamique avec une mise en perspective par rapport aux models occidentaux tout
en cherchant à les adapter au contexte local.
d.
Un programme de sensibilisation, de formation et de
communication au profit des principaux acteurs de la RSE et ouvert à toutes les
composantes de la société.
e.
Une implication de l’entreprise entière (management
system) et non pas uniquement au niveau du top management.
f.
Un contrôle externe indépendant, compétent et fiable.
- d’une répartition des rôles au niveau des principaux acteurs
potentiels de la RSE.Il
s’agit précisément :
a.
des pouvoirs publics pour initier, promouvoir, développer
et réglementer la RSE.
b.
du secteur privé pour participer, contribuer et lancer des
actions concrètes de RSE.
c.
des bailleurs de fonds pour mettre en place des
financements adaptés et contribuer au lancement d’opérations pilotes.
d.
des organismes de coopération internationale pour
encadrer, financer et développer les premières actions tant au niveau de la
mise en place d’un programme national qu’au niveau de l’entreprise.
- Des moyens de suivi et de vérification pour garantir la réussite du
programme parmi lesquels on peut citer :
a.
La mise en capacité des parties publiques et privées
d’exercer une surveillance efficace avec intervention d’un tiers externe,
vérifiant les données fournies.
b.
La diffusion d’une information qualitative et quantitative
suffisante et fiable.
c.
Des menaces crédibles et des pénalités individualisées en
cas de non-respect des conditions par les PME.
Enfin et pour fédérer l’ensemble de
ces actions, nous avons proposé la création d’un Observatoire National du Développement
Durable (ONDD) qui pourrait être chargé du suivi et de l’analyse de l’évolution
des différentes thématiques liées au DD y compris la RSE. Aussi , la mise en
réseau des différents observatoires à l’échelle de la planète pourra faciliter
l’émergence d’une philosophie RSE capable de défier tous les obstacles y
compris ceux liés à la culture.
Pour la suite de ce travail, il est
proposé de mettre au point un modèle de pénétration de la RSE au sein de la communauté
des PME marocaines. Ce modèle devra être testé et vérifié dans des conditions
réelles d’utilisation. Des indicateurs et des paramètres de mesure des
performances, vérifiant les données fournies, devront être également proposés
et mis en exergue non seulement pour les PME mais également pour l’ensemble des
parties prenantes. Car à notre sens la
RSE est la responsabilité de tous et chaque partie à un rôle
à jouer. En fait la RSE
est un concept global avec une implication multi-partenariale. On parlera ainsi
d’une RSPP (Responsabilité Sociale des Parties Prenantes)
Mustapha Taoumi
Dr en Energétique Electrochimique
INP Grenoble Master Sciences du Management, Université de Corte, France
(*)
Mémoire de Master Sciences du Management, Université de Corte, France, décembre
2005
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